À l’image de l’endométriose mieux diagnostiquée depuis quelques années, de plus en plus de femmes sont désormais reconnues atteintes de vulvodynie. Entre 8 et 20% des femmes* cisgenres connaissent des douleurs ou un inconfort de la vulve. Et pour environ 10% d’entre elles, il s’agit de symptômes de vulvodynie. Cette maladie de la vulve encore peu connue, différente du vaginisme, se caractérise par de vives douleurs inexpliquées au cours des rapports sexuels ou de façon spontanée. “Madame, c’est dans votre tête” est la sentence prononcée par de nombreux·ses soignant·e·s peu ou pas formé·e·s à cette pathologie encore méconnue.

Pour certaines malades, la sensation est proche de celle d’une coupure d’une feuille de papier sur la pulpe du doigt ou pour d’autres d’une sensation de peau brûlée. Pour Louisa**, la douleur pendant la pénétration est telle “un couteau qui déchire le bas du vagin”. Lorsqu’elle cherche à comprendre l’origine de sa souffrance, la jeune femme de 26 ans vogue de diagnostics en diagnostics. Son errance médicale dure 4 ans, de gynécologue en dermatologue, mais à force d’insister pour être crue dans sa douleur, le verdict tombe, et “en 10 minutes c’était diagnostiqué”.

 

Un diagnostic laborieux

Maladie chronique, la vulvodynie est une pathologie physique, bien réelle. À la fois maladie dermatologique (car elle touche les tissus de la vulve), gynécologique, musculaire et psychologique, il est possible de la soigner. Marion Pollono, kinésithérapeute et formée en sexothérapie à Paris explique les bases de cette pathologie: “Ce sont 3 M: la muqueuse, le muscle et le mental, tous ces facteurs s’entretiennent entre eux et chaque élément peut être la conséquence ou l’origine du trouble”. Il s’agit donc d’une chaîne à briser, pour aller vers la guérison, un processus long consacré à la rééducation du périnée avec des exercices et des crèmes adaptées.

Louisa est loin d’être la seule à parvenir tardivement à connaître l’origine de son mal. Alexandra Arfi, l’une des rares gynécologues spécialisées dans les pathologies de la vulve estime que ses patientes vivent environ 5 ans d’errance médicale avant d’être reconnues atteintes de vulvodynie. Ce retard au diagnostic s’explique aussi par un manque de connaissance des patientes de leur propre anatomie qui fait qu’elles n’arrivent pas à nommer avec précision la zone douloureuse. La gynécologue poursuit: “À chaque nouvelle consultation, je leur montre avec un miroir leur anatomie, il y a une grosse méconnaissance de la zone douloureuse et elles ont souvent du mal à savoir si cela vient des petites lèvres, du vagin ou du clitoris”.

“Poser un nom sur la pathologie, c’est déjà la moitié du chemin parcouru.”

Marie, 28 ans, a découvert qu’elle était sujette à des vulvodynies à la suite de cystites à répétition. “Je ne me sortais pas de ces infections urinaires et j’enchaînais souvent avec des mycoses qui me provoquaient des douleurs à l’urètre et à la vulve. À cette époque, j’avais des douleurs même assise.” Marie et Louisa, comme beaucoup d’autres femmes, ont vécu un véritable chemin de croix. Face à une totale incompréhension des soignant·e·s, elles ont commencé à chercher des réponses par elles-mêmes. Elles les ont en partie trouvées sur les réseaux sociaux ou sur un site devenu une référence: Les clés de Vénus.

Créé en 2009 par Aurélie Botte, le site qui se voulait être un espace d’échange et de recueil de témoignages pour “réduire l’errance thérapeuthique” est, en un peu plus de dix ans, devenu une association à destination des femmes souffrant de douleurs gynécologiques. Fort de 25 000 visiteur·se·s par mois, qui font aussi vivre le forum et les discussions, il héberge également un précieux guide et un annuaire redirigeant vers des soignant·e·s formé·e·s. 

 

Une approche transversale nécessaire

Pour soigner la vulvodynie, on s’adapte à la patiente, c’est un traitement à la carte, il n’y a pas de protocole car il n’y a pas encore de consensus” explique Marion Pollono. La kinésithérapeute s’intéresse depuis quelques années aux troubles sexuels. Consciente de la nécessité d’une approche transversale de cette maladie, la soignante s’est rapprochée d’autres spécialistes (dermatologue, psychologue, gynécologue et sexologue) pour constituer un réseau spécialisé dans les pathologies de la vulve. Clarence de Belilovsky, dermatologue qui travaille de concert avec Marion Pollono, estime que les personnes atteintes de vulvodynie représentent un quart de sa patientèle. “C’est un système de la douleur qui s’est réveillé, on a plein de nerfs à cet endroit, on a l’impression d’avoir mal dans la peau.

Dernier point et pas des moindres, l’impact psychologique d’une telle maladie. Louisa évoque les incompréhensions que de telles douleurs au moment de la pénétration ont déclenchées dans son couple. Mais aussi un manque d’empathie qu’elle a subi de la part de certains médecins. “Arrêtez de vous regarder le nombril Mademoiselle”, s’est-elle entendu dire. Clarence de Belilovsky l’atteste: “Ce sont des femmes qui ont tout entendu, elles se sont interdit plein de choses et ce diagnostic leur rend leur liberté.” Alexandra Arfi, gynécologue, le confirme: “Poser un nom sur la pathologie, c’est déjà la moitié du chemin parcouru.” Elle dénonce certains discours “odieux” et “misogynes” tenus par des gynécologues pourtant réputés.

“Certaines patientes se sont construites sur un mode sexuel douloureux.

Ces patientes ne sont pas des personnes dépressives à la base mais cela peut entraîner un syndrome dépressif,  poursuit la gynécologue, certaines ont inhibé leur sexualité pendant des années tandis que d’autres se sont construites sur un mode sexuel douloureux.” Marie, elle, a développé une anxiété extrême due à la douleur et à l’appréhension –“j’ai mal donc j’ai peur”- qu’elle tente depuis quelques séances de gérer avec de l’hypnose. “Je compte beaucoup sur ces consultations qui sont faites par un médecin généraliste. Mais la conséquence est que je suis sur le qui-vive, très à l’écoute de mes douleurs et de mes sensations.” Si cela ne fonctionne pas, elle repartira à la recherche d’autres spécialistes. Les deux femmes continuent d’en parler à leur entourage aussi souvent que possible. Louisa conclut: “Si je tombe sur quelqu’un qui a ces mêmes symptômes, elle saura plus rapidement que moi qu’il y a des solutions.”

Caroline Ernesty et Agathe Moreaux


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