Les années 2000. Certain·e·s ont effacé les preuves d’existence de cette période durant laquelle la mode ne nous a laissé aucun répit -jeans taille basse, crop top fluos et chaussures compensées à l’appui. Reste que depuis quelques années, nostalgie aidant, les vestiges du début du millénaire reviennent en force dans nos placards. Parmi lesquels, le t-shirt à message. Mais il est loin, le temps où des marques de fast-fashion -Cache-Cache en tête- s’empressaient de nous faire brandir, nos t-shirts en étendard, que nous étions “attachiantes”, “capricieuses” ou “amoureuses”. Désormais, la mode bavarde se fait cool, chic et engagée, à l’instar des t-shirts militants proposés par Stella McCartney dans sa collection printemps-été 2021. Un retour aux sources encouragé par le climat politique et social des dernières années, mais aussi par des jeunes générations de consommateur·trice·s qui veillent au grain.

 

Un “fashion activism” 100% coton

Si l’accélération des grandes enseignes de fast-fashion l’a popularisé dans les années 2000, permettant à toute une génération de se l’approprier, le t-shirt est utilisé comme porte-parole depuis les années 80. En 1984, la styliste britannique Katharine Hamnett marque les esprits de la mode -et la vie politique de son pays- lorsqu’elle porte, pour une rencontre avec Margaret Thatcher, un t-shirt sur lequel il est inscrit “58% don’t want Pershing”, affichant à la fois ses opinions et celles d’une majorité de Britanniques contre l’installation de missiles nucléaires américains sur le sol britannique. La photographie de la rencontre fait le tour du monde. Revendiquant le droit de la mode de s’engager, la créatrice multiplie les messages imprimés sur coton. “Save our seas”,  “Climate Control”, “Protest and survive” (porté pour la première fois lors du concert caritatif Fashion Aid de 1985): à chaque combat, son t-shirt assorti. L’engouement est tel que les membres du groupe Wham! les portent en 1984 dans leur clip Wake me up before you go-go. Et près de 40 ans plus tard, ils sont toujours commercialisés et ont fait l’objet d’une collection capsule distribuée en exclusivité sur le site britannique Matchesfashion.com, avant d’être repris sur le site de la marque éponyme. “L’engagement d’un site d’une telle envergure permettra d’attirer l’attention d’un public très large sur les changements impératifs que nous devons apporter à notre façon de vivre, expliquait Katharine Hamnett à l’occasion de cette collaboration en 2018. C’est la force d’un t-shirt à message: quand on le croise, on ne peut que le lire. Il reste dans la tête.

La mode étant autant une diseuse de tendances qu’un reflet de la société, les t-shirts contestataires deviennent légion.

Le t-shirt est à la fois si simple et si beau”, commentait également, en 2014, la créatrice Vivienne Westwood dans son autobiographie. “Vous voyez le vêtement, le corps, mais aussi l’image qu’il renvoie: celle d’une toile blanche.” C’est en 2017 que le t-shirt à message a fait son grand retour. Alors fraîchement nommée directrice artistique de la maison Dior, Maria Grazia Chiuri lance, à l’occasion de la Fashion Week parisienne, ce qui deviendra un hit. Via un t-shirt blanc imprimé noir, la créatrice assure que “We should all be feminists” (Ndlr: “Nous devrions tous être féministes”) -une citation empruntée à l’écrivaine et activiste Chimamanda Ngozi Adichie. Clin d’œil à la première nomination d’une femme à son poste, mais aussi à l’ambiance générale, alors que le monde est submergé par la vague #MeToo. C’est l’une des premières fois qu’une marque de luxe prend aussi ouvertement le parti de l’engagement, et c’est un franc succès: le t-shirt envahit le “street-style” des modeuses, inonde Instagram, et il est repris à loisir par les grandes enseignes. 

 

 
 
 
 
 
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Génération engagée

Stimulé par l’arrivée de Donald Trump à la Maison blanche, le Brexit et la montée des extrêmes en politique, l’activisme revient au goût du jour. Les jeunes s’engagent et les féministes défilent. La mode étant autant une diseuse de tendances qu’un reflet de la société, les t-shirts contestataires deviennent légion. La marque branchée Vetements propose un sweat pro-européen (vendu quelque 750£) comme un pied-de-nez aux pro-Leave, tandis que chez Creatures of Comfort, Jade Lai s’attaque au décret anti-immigration du président américain avec un t-shirt barré de la mention “We are all human beings” (Ndlr: “Nous sommes tous des êtres humains”). L’engouement est tel qu’en 2018, le Fashion and Textile Museum de Londres propose une exposition autour du t-shirt et de ses liens avec la politique. Mais toujours est-il que la mode, si elle est incontestablement un art et donc engagée par nature, est également l’une des industries les plus puissantes au monde. Il est désormais de bon ton de prendre position, et la mode l’a bien compris: pour vendre, elle doit porter haut et fort ses revendications. 

 

 
 
 
 
 
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La très politique Gen Z en est friande: un rapport de 2019 de McKinsey fait état de 90% de consommateur·rice·s entre 16 et 20 ans qui pensent que les entreprises ont une responsabilité sociale et environnementale. Mais on ne berne pas ces jeunes générations, qui représentent 41% de la population mondiale (et donc un marché énorme): s’il est tentant pour certaines marques de n’avoir d’engagé que la façade -en affichant par exemple ses pseudos valeurs sur des t-shirts à slogan- ces consommateur·trice·s éveillé·e·s sont attentif·ve·s aux modes de production de leur achats. Ainsi, le t-shirt féministe de Dior a provoqué un tollé -comment une marque peut-elle se prétendre féministe si elle exploite par ailleurs des humain·e·s et ne prête pas attention à son empreinte écologique?

Las du green/feminism/woke washing (le marketing jouant sur des valeurs assimilées positives par les consommateur·trice·s), les jeunes n’hésitent pas à faire valoir leur droit de regard. “Une marque n’est plus cool si elle ne veille pas à être durable et à réduire son impact sur le réchauffement climatique”, rapporte Vogue UK dans un article sur la question. Certaines marques s’engagent alors à être authentiques, en promettant notamment de reverser une partie des bénéfices générés par l’achat d’un t-shirt à une association soutenant la cause affichée. La créatrice britannique Stella McCartney, connue pour avoir porté ses convictions écologiques au cœur de sa marque, a par exemple dévoilé une collection de t-shirts engagés pour le printemps-été 2021. Sorte de manifeste vestimentaire, la styliste a présenté 26 pièces (une par lettre de l’alphabet), chacune associée à une personnalité et une cause. Vendu 450 euros, l’intégralité des bénéfices obtenus par la vente des t-shirts est reversée à l’association choisie par celui ou celle qui l’incarne. 

Noémie Leclercq 


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