De l’œuvre pionnière de Liv Strömquist, L’Origine du monde, à l’enquête approfondie de Marie Dubois Un Bébé si je peux, les autrices de BD n’ont cessé ces dernières années de s’attaquer à de nombreux tabous. Le format est devenu un terrain d’exploration pour y questionner le rapport de la société patriarcale au corps des femmes. Des violences gynécologiques à l’errance médicale menant à un diagnostic d’endométriose en passant par la solitude du post-partum, voilà cinq BD à lire ou à offrir pour s’informer sur ces sujets fondamentaux.

 

Un Bébé si je peux, de Marie Dubois

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Le pitch: À 29 ans, Marie Dubois est décidée: elle veut un enfant. Elle arrête sa contraception et commence à essayer de tomber enceinte. Les mois passent et ses règles finissent toujours par revenir, inlassablement. Pendant sept ans, elle va enchaîner les rendez-vous médicaux, les inséminations artificielles et les tentatives de fécondation in vitro. En partant de cette expérience personnelle, Marie Dubois déroule une enquête complète et documentée sur l’infertilité, un sujet qui touche un·e Français·e sur cinq.

Pourquoi on la lit: Le sujet paraît lourd et pourtant le style graphique et littéraire de Marie Dubois permet de comprendre, et même souvent de rire, de l’infertilité. Elle vulgarise le vocabulaire scientifique, démêle les inconnus qui entourent encore la conception d’un enfant, fait un peu de sociologie en expliquant les grossesses de plus en plus tardives… Mais elle aide surtout à briser le tabou qui pèse sur les personnes (qu’il s’agisse de couples hétérosexuels, homosexuels ou de femmes seules) qui tentent de tomber enceintes. L’autrice analyse les petites remarques entendues sur le stress qui empêcherait les grossesses, les mythes sur les blocages psychologiques, le rapport des femmes infertiles à leur corps, les violences gynécologiques… Elle dénonce une société patriarcale qui fait presque systématiquement peser la responsabilité sur les femmes. Un Bébé si je peux permet de se réapproprier des concepts parfois complexes et d’apporter un éclairage féministe à une question trop souvent mise de côté dans la lutte. À lire absolument, que vous soyez concerné·e·s ou non par le sujet: elle donne aussi des clés pour ne pas être maladroit·e face aux personnes qui n’ont pas d’enfants.

Parue aux éditions Massot et XXI

 

Corps publics, de Mathilde Ramadier et Camille Ulrich

corps public mathilde ramadier

Le pitch: Basée sur des témoignages, cette bande dessinée retrace l’histoire d’une femme, de son adolescence à sa première grossesse en passant par sa carrière d’actrice et d’ouvreuse au théâtre. Elle s’intéresse plus précisément à la manière dont son corps est perçu par les médecins, les proches, la famille, les hommes et la société au fil des années.

Pourquoi on la lit: Mathilde Ramadier et Camille Ulrich proposent une lecture féministe émouvante de chaque période de la vie de leur héroïne Morgan. Chaque événement que cette dernière traverse (les premières règles, les premiers partenaires, la première grossesse…) est racontée dans une perspective profondément politique. Camille Ulrich alterne des planches réalistes et des grandes cases expressionnistes où elle met des images et invente de nouveaux imaginaires autour des expériences encore peu représentées: les douleurs menstruelles ou de l’accouchement, le post-partum… Un album important pour mettre enfin en lumière toutes les manières dont les femmes se retrouvent, à différents moments de leur vie, dépossédées de leurs corps.

Paru aux éditions du Faubourg

 

Juste une endométriose, de MaY et Fanny Robin

Juste une endométriose MaY et Fanny Robin

Le pitch: L’autrice Fanny Robin et l’illustratrices MaY, toutes deux atteintes d’endométriose, racontent sous forme de strips humoristiques leur quotidien avec la maladie.

Pourquoi on la lit: L’idée de cette bande dessinée est née du compte Instagram de Fanny Robin, Chère endométriose, sur lequel elle enchaîne memes et blagues et recueille des témoignages sur une maladie encore très méconnue. Cette BD illustrée par MaY raconte avec humour, une pointe d’ironie et beaucoup d’autodérision l’errance médicale qui précède le diagnostic de l’endométriose, les douleurs intenables, les stocks de bouillotte, toutes les manières dont les femmes essaient de “vivre avec”. Juste une endométriose met des images sur des situations encore méconnues et brise de nombreux tabous avec un humour et une légèreté qui n’empêchent pas le·la lecteur·trice d’en apprendre plus sur la maladie.

Paru le 10 mars aux éditions Marabulles

 

Chère Scarlet, de Teresa Wong

chère scarlet

Le pitch: Dans ce récit autobiographique, Teresa Wong écrit une lettre à sa fille pour lui raconter la dépression qu’elle a traversée après sa naissance.

Pourquoi on la lit: Chère Scarlet est la preuve que la santé mentale n’a pas besoin d’être taboue au sein d’une famille et que ce qui rend la dépression post-partum si violente c’est surtout le silence auquel les mères sont contraintes. L’autrice décide de ne pas se laisser accabler par la honte et de décortiquer le violent état dépressif qui la traverse. C’est aussi une lettre d’amour à sa fille et une déconstruction de l’image de la “mère parfaite” et des clichés entourant la naissance: cet amour immédiat entre la mère et son enfant, l’accouchement sitôt oublié… Tout comme Illana Weizman, militante féministe qui a publié en janvier Ceci est notre post-partum, Teresa Wong a participé à libérer la parole autour de l’après-accouchement.

Paru aux éditions Dunod, traduit de l’anglais par Elise Peylet

 

L’Origine du monde, de Liv Stromquist

L'Origine du monde Liv Stromquist

Le pitch: Dans cette œuvre incontournable, l’autrice suédoise Liv Strömquist démonte toutes les idées reçues sur le plaisir féminin. En mêlant analyse de la religion, histoire et sociologie, elle démontre à quel point le patriarcat a construit des tabous autour des menstruations, du clitoris, de l’orgasme…

Pourquoi on la lit: Liv Strömquist a brisé tellement de tabous dans L’Origine du monde que des illustrations issues de la BD, montrant des patineuses dont les culottes sont maculées de taches de sang, ont fait scandale en 2017. Elles avaient été affichées dans les couloirs du métro de Stockholm et ont été jugées choquantes, surtout pour les enfants. L’Origine du monde déconstruit précisément les idées reçues, les fausses croyances et la honte qui entourent encore aujourd’hui les menstruations. Elle prend notamment le parti de dessiner un clitoris, des taches de sang et de redonner une existence artistique à ces sujets peu traités. Le tout avec son style punk et son humour décalé franchement irrésistible. Un classique.

Paru aux éditions Rackham, traduit du suédois par Kirsi Kinnunen

Pauline Le Gall 


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