Comme le souligne la journaliste Marie Kirschen dans son ouvrage Herstory, il n’existe pas une histoire du féminisme mais des histoires des féminismes. Cette pluralité est mise à l’honneur sur les tables de nos librairies ces jours-ci avec des essais qui parlent de pop culture, de violence, de radicalité, de transidentité ou de racisme. De quoi se cultiver sur toutes les formes de féminisme qui nous entourent.

Herstory, histoire(s) des féminismes de Marie Kirschen, illustré par Anna Wanda Gogusey

Herstory Marie Kirschen

De quoi ça parle: Dans ce dictionnaire très complet et documenté, la journaliste Marie Kirschen nous embarque dans la pluralité des féminismes. Elle explore des concepts comme le genre, des courants théoriques comme celui du féminisme matérialiste et dresse des listes de recommandations de chansons ou livres engagés pour aller plus loin sur le sujet.

Pourquoi on le lit: Parce que le livre de Marie Kirschen est une bible, très accessible et complète qui propose un regard ouvert et critique sur des notions connues autant que sur des courants d’idées très pointus. La lecture et l’analyse de chaque concept est toujours fouillée, remise dans le contexte historique et géographique de son apparition et permet à chacun·e de se faire un avis, de lancer une conversation ou de remettre en question un stéréotype ou un a priori. Accompagné des illustrations pop et colorées d’Anna Wanda Gogusey, qui apportent une bonne dose de fraîcheur et de décalage, Herstory est le genre d’ouvrages à mettre entre toutes les mains pour comprendre que le féminisme se doit d’être pluriel, inclusif et vivant. Et qu’il est avant tout une source infinie de réflexions et de remises en question.

Paru aux éditions La Ville Brûle

 

Féminismes et pop culture, de Jennifer Padjemi

feminismes et pop culture jennifer padjemi

De quoi ça parle: La journaliste Jennifer Padjemi revient dans cet ouvrage personnel sur la manière dont la pop culture s’est emparée, ces dix dernières années, de nombreux sujets de société. 

Pourquoi on le lit: Si vous pensez que Grey’s Anatomy n’est qu’un soap sans intérêt politique ou que vous snobez le féminisme de Beyoncé, alors Jennifer Padjemi devrait vous faire changer d’avis. Elle démontre dans un ouvrage riche en références et en réflexions personnelles la force politique de séries comme Shrill, Orange is the New Black, Insecure ou de Skam, des chansons d’Aya Nakamura ou des prises de positions de stars sur des sujets de société. L’autrice pose aussi un regard critique sur la pop culture en s’interrogeant sur le féminisme washing ou sur le retard de la France en termes de représentations. Sur chaque sujet (la grossophobie, l’inclusivité, les personnages LGBTQI+, la représentation des femmes noires à l’écran…) elle montre son cheminement de pensée et n’hésite pas à laisser la place à ses propres doutes. C’est le cas lorsqu’elle évoque le cas d’Aziz Ansari, accusé d’agression sexuelle en 2018, qui la mène à une réflexion toute en nuances sur la “cancel culture”. Un panorama culturel et politique qui donne envie de commencer un rewatch de Grey’s Anatomy.

Paru aux éditions Stock

 

Chattologie, de Louise Mey et Klaire fait Grr

Chattologie

De quoi ça parle: Chattologie est l’adaptation en livre de la pièce de théâtre écrite par Louise Mey et jouée sous forme de seule-en-scène par Klaire fait Grr. 

Pourquoi on le lit: Chattologie est un ouvrage extrêmement complet pour se réapproprier un savoir historique et biologique sur les règles. Sauf qu’en plus d’être très précis et très documenté, il est aussi extrêmement drôle et politique. L’essai mélange des passages de bande dessinée, imaginés par Klaire fait Grr, et des textes de Louise Mey. Des acrobaties nécessaires à la pose correcte d’une cup aux dangers méconnus du choc toxique en passant par l’histoire de la contraception, les autrices passent en revue chaque aspect des menstruations. Avec toujours un ton incisif, une mise en contexte politique et le souci d’inclure toutes les femmes, et notamment les femmes trans, dans leurs explications. Une vraie somme sur le sujet!

Paru aux éditions Hachette

 

Je ne sais pas quoi faire des gentils blancs, de Brit Bennett

Je ne sais pas quoi faire des gentils blancs

De quoi ça parle: Les éditions Autrement ressortent la collection d’essais de l’autrice américaine Brit Bennett (qui a sorti à la rentrée dernière son deuxième roman L’Autre moitié de soi) dans une nouvelle édition.

Pourquoi on le lit: Parce que le regard de Brit Bennett sur l’Amérique contemporaine est particulièrement précieux. Elle s’est imposée outre-Atlantique comme l’une des voix les plus brillantes de sa génération. Le recueil comprend notamment l’essai titre (Je ne sais pas quoi faire des gentils blancs) qui l’a fait connaître, dans lequel elle explore ses sentiments après la mort de Michael Brown. Les autres textes, tout aussi essentiels, retracent l’émergence du mouvement Black Lives Matter, les manifestations racistes à Charlottesville, l’élection de Donald Trump… Brit Bennett s’exprime avec la même intelligence sur l’œuvre très masculine de Ta-Nehisi Coates, sur les représentations de l’esclavage dans la fiction, que sur le rôle des poupées noires dans la culture populaire. Vif et passionnant.

Paru aux éditions Autrement, traduit de l’anglais par Jean Esch

 

Afrotrans (ouvrage collectif)

Afrotrans

De quoi ça parle: Premier ouvrage de la maison d’éditions Cases Rebelles, Afrotrans est un recueil de textes rassemblés par Michaëla Danjé.

Pourquoi on le lit: Ce livre donne la parole à quatorze voix qui sont, comme l’explique Michaëla Danjé dans sa préface, “à la croisée d’une pluralité d’histoires afrodiasporiques et transnationales”. Pendant près de 300 pages, nous croisons des textes d’une grande profondeur qui explorent des formats aussi différents que les vécus qu’ils racontent: poèmes, interviews, essais, courtes nouvelles… Le travail de Cases Rebelles est particulièrement important puisqu’il laisse la place à des vécus et à des expressions trop rares en France. On y lit des histoires de familles, de voyages, d’identité, de danse, des expériences de femmes noires et trans. Il est souvent question de la série Pose, qui a eu le mérite de montrer la scène ballroom mais qui a aussi figé des identités et des vécus. À l’inverse, Afrotrans se fait le récit de la pluralité et montre l’importance d’accueillir toutes les paroles qui, quand elles viennent se confronter les unes aux autres, rendent le monde toujours plus complexe. Un travail essentiel.

Paru aux éditions Cases Rebelles

 

La Terreur féministe, de Irene

La Terreur féministe

De quoi ça parle: La militante Irene, connue sur Instagram sous le pseudo Irenevrose, dresse dans son essai le portrait de femmes de différentes origines qui ont toutes fait à un moment ou à un autre usage de la violence contre les hommes, des sufragettes à Valerie Solanas en passant par Jacqueline Sauvage.

Pourquoi on le lit: Irene part de ce lieu commun que l’on entend souvent: le féminisme n’a jamais tué personne. Pourquoi a-t-on si peur de la violence des femmes? Quel serait le risque de dérouler une pensée radicale à ce sujet? À l’heure où les débats sur la misandrie divisent, ce court essai questionne la passivité et rend hommage au destin de ces femmes qui ont riposté face aux violences patriarcales. En les faisant exister, en mettant en lumière leurs idées et en analysant leurs vies, Irene tord le cou au pacifisme du mouvement. Un essai stimulant.

Paru aux éditions Divergences

 

Scum Manifesto, de Valerie Solanas

Scum Manifesto DR

De quoi ça parle: Les éditions 1001 Nuits rééditent le Scum manifesto (Scum signifiant “society for cutting up men”, “Association pour tailler les hommes en pièces”), écrit et auto-édité par Valerie Solanas en 1967. L’autrice, connue pour avoir tiré sur Andy Warhol en 1968, y envisage d’éradiquer tous les hommes.

Pourquoi on le lit: Depuis sa première parution, le ton radical du texte de Valerie Solanas n’a eu de cesse de diviser les féministes. Sa réédition en 2021, après les polémiques autour des ouvrages de Pauline Harmange et d’Alice Coffin, tombe à pic. Exit la postface de Michel Houellebecq, remplacée par un texte de Lauren Bastide. Le texte de Solanas, en 2021 comme en 1967, est d’une violence anticapitaliste et misandre particulièrement cathartique. Son sens de la formule, son humour noir et sa férocité traversent les décennies: “les hommes sont des Midas d’un genre spécial: tout ce qu’ils touchent se change en merde”. A redécouvrir.

Paru aux éditions 1001 nuits, traduit de l’anglais par Emmanuèle de Lesseps

Pauline Le Gall 


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